Avril est née une soirée pluvieuse de Mai, dans une forêt dense et broussailleuse. L'accouchement avait été compliqué, la demoiselle s'étant présenté du mauvais côté. Elle était déjà particulièrement poilue, et ne tenait pas vraiment sur ses pattes. Elle était déjà entièrement rousse, ce qui n'était pas bon signe, les roux portant malheur soi-disant. Néanmoins, la tâche qu'elle avait sur la cuisse faisait penser aux autres qu'elle avait un côté divin.

Elle a fait ses premiers pas au bout de quelques heures. Jeune pouliche qu'elle était, elle a tout d'abord commencé par explorer la carrière, seule, tous ses sens commençant à s'éveiller doucement. Sur ses pattes frêles, sa grand-mère lui disait qu'elle ressemblait à une jeune gazelle. Sa mère l'a mal pris et a interprété ça comme quoi elle serait une descendante du Minotaure. Le Minotaure, ce monstre mi-boeuf, mi-humain, qui leur rappelaient à tous douloureusement qu'ils devaient rester planqués, là, dans la forêt, à l'abri des regards humains.

A l'âge de trois ans, un fois la démarche et la parole acquises, ce fut l'apprentissage du lancer de couteaux. Elle jalousait intérieurement, les garçons s'amusant avec de grands arcs en bois. Elle aussi voulait vraiment essayer. Une fois les couteaux rangés pour n'être ressortis que si elle se faisait attaquer, elle confectionna un arc. Certes, il n'était pas aussi beau que ceux des garçons, ni remplis de signes datant de son arrière arrière grand-père, mais il était solide. Elle s'amusa à apprendre à tirer. Elle maniait l'arc bien mieux que les couteaux. Néanmoins, elle savait parfaitement que si on la trouvait avec ça dans les mains, elle risquait la peine de mort, au même titre que les traîtres. Elle savait également que, après ça, sa famille serait la risée de tout le troupeau. Et pourtant, elle continua à le pratiquer régulièrement.

A l'âge de douze ans, elle a commencé à se faire tresser les cheveux. Sa mère, grande jument à la fourrure blanche, surmontée d'une queue noire, était une spécialiste dans ce domaine. Son père était respecté et craint dans sa tribu. Il était grand, bien plus que tous les autres étalons, et ses yeux de jais ressortait à merveille avec sa fourrure noir charbon. Lui aussi avait un arc sur la cuisse, cet arc qui la narguait chaque jour, et dont elle ne comprenait pas la signification. Ce jour là, sa mère la préparait pour aller laver le linge. Sauf que voilà, son père est entré, un jeune étalon à sa suite. "Tu vas t'accoupler" qu'il a dit. Avril s'était précipité par la fenêtre pour fuir, mais son prétendant l'avait rattrapé et sorti de force de la cabane familiale. Elle se souvenait encore l'avoir insulté de tous les noms d'oiseaux possibles et inimaginables. Elle n'était pas prête, elle ne voulait simplement pas avoir d'enfants, pas avec ce parfait inconnu en tout cas.

Les premiers jours furent un calvaire. Elle avait interdiction de sortir avant l'acte, de plus, il l'avait confinée dans une pièce minuscule, où elle avait à peine la place pour se coucher tant le plafond était bas. De plus, il "oubliait" de la nourrir de temps en temps afin qu'elle soit docile pour l'accouplement. Elle s'affaiblissait de jours en jours, et, finalement, lorsqu'il apparu à la porte, elle le laissa faire. Il la guida dans une vallée, un cours d'eau la traversant entièrement. Lorsqu'il se mit à lui tourner autour, en bon prédateur qu'il était, Avril décida de se rebeller, peu importait les conséquences. Elle lui envoya ses deux sabots arrières dans la figure. Ca ne lui plu pas, évidemment, et il commença à la frapper, pour la faire taire, la jeune hurlant à pleins poumons pour qu'il la lâche. Il la laissa finalement fuir.

Elle était blessée et sale, sa patte avant la faisant très légèrement boîter. Elle avait pris la décision de quitter le troupeau. Ses chances de survie étaient mince, mais elle savait qu'elle s'en sortirait.

Depuis, elle court les bois. De temps en temps, elle observe les humains balayant la forêt, mais jamais plus elle ne s'était approché de sa horde. Certains humains la surnomment "le Fantôme de la forêt". Ce surnom la fait bien rire, les humains sont tellement faibles et craintifs. Aujourd'hui, quelque chose se rapproche, et elle est bien décidée à découvrir ce que sait, même si, pour ça, elle doit se retrouver au milieu des humains.